Sekizenkan Ryokan
Sekizenkan Ryokan

Shima Onsen sous Infusion Légère


Quarante mille guérisons, un pont Ghibli, des échoppes figées dans le Showa — et moi, au milieu des montagnes de Gunma, un peu trop trempé mais bien vivant.

Un village qui a l’air de rien, mais qui soigne tout

Shima Onsen, ça ne se mérite pas vraiment, ça se découvre. On y arrive doucement, en bus ou en voiture, après une route de montagne qui tournicote entre les arbres. Et puis, sans prévenir, le décor bascule : maisons de bois, ryokan centenaires, rivière claire et silence de vieille photo sépia. On croit débarquer dans un village thermal presque banal. Sauf que non. Ici, l’eau aurait le pouvoir de guérir quarante mille maladies. Le nom de l’endroit l’affirme d’ailleurs très sérieusement : Shima (四万), c’est littéralement quarante mille.

Mais au lieu d’en faire des tonnes, le village préfère jouer la carte du charme désuet. Ponts vermillon, tunnels étranges, enseignes d’un autre siècle et bains publics ouverts à tous à toute heure. Tout paraît tranquille, presque endormi…et puis on se rend compte que quelque chose cloche. Dans le bon sens du terme.

Le ryokan qui aurait pu héberger des dieux

Si vous avez vu Le Voyage de Chihiro, impossible de ne pas tressaillir en voyant le Sekizenkan. Son long bâtiment de bois sombre, son pont rouge et son tunnel discret ressemblent à s’y méprendre à l’Auberge des Esprits du film de Miyazaki. L’équipe de Ghibli nie toute inspiration directe, mais personne n’est dupe. En traversant ce pont au crépuscule, j’ai eu un doute : suis-je encore dans le monde réel, ou est-ce que j’ai basculé dans une scène de film d’animation ?

Et comme si ça ne suffisait pas, la route qui mène à Shima est équipée d’un système de rainures musicales. Oui, une route qui chante. Sur les derniers kilomètres, votre voiture joue toute seule Always With Me, le thème du film. Ce jour-là, j’ai coupé la musique, baissé les vitres, et j’ai juste écouté l’asphalte me souhaiter la bienvenue. Moment suspendu.

Un ryokan qui a vu passer des fantômes — et la fente de mon peignoir

Le Sekizenkan n’est pas juste un décor de film potentiel, mais un vrai ryokan fondé en 1691, souvent cité comme le plus ancien hôtel thermal du Japon. À l’intérieur, on marche dans des couloirs tordus, sur des planchers qui grincent avec dignité. Les vitres sont déformées, les murs un peu penchés, le temps a laissé sa trace sur chaque latte de bois. J’y ai dormi une nuit — avec vue sur la rivière et bains privés à minuit — et j’ai eu l’impression que mes rêves eux-mêmes étaient recouverts de vapeur et de laque noire. Il y a quelque chose dans l’atmosphère, une élégance un peu hantée, qui reste en vous plus longtemps que prévu.

Un bain pour chaque humeur

Shima Onsen, c’est une station thermale où l’on ne se contente pas d’un bain. Ici, on cumule : bains privés dans les auberges, bains publics dans le village, bains gratuits au bord de la rivière. Certains sont ouverts à toute heure, comme Kawara no Yu, un petit bassin extérieur en pierre où l’on s’immerge sans payer, sans bruit, sans lumière, juste l’eau chaude et la rivière en fond sonore.

Le plus touchant, c’est peut-être Omomuso no Yu. Petit bain public gratuit, simple et presque austère, mais chargé d’histoire : c’est ici qu’aurait jailli la première source miraculeuse. Il n’y a pas grand monde, mais ceux qui s’y arrêtent semblent chercher quelque chose d’un peu plus profond qu’une simple détente musculaire.

Chihiro en façade, Showa dans la rue

En redescendant vers le centre, on tombe sur des rues qui ont figé le temps. Des enseignes écaillées, des salons de jeux déserts, des vitrines qui sentent le tabac froid et la poussière. À un coin de rue, un snack “Joy” qui semble avoir fermé la veille de l’an 1983. Devant, un alignement improbable : banc public avec logo Morinaga, lanterne en plastique, panneau de vidéo-karaoké sur CD. Tout a l’air laissé en plan, mais avec soin, comme si on entretenait le souvenir.

Et puis il y a ces absences, ces espaces entre les bâtiments, où l’on devine qu’autrefois il y avait quelque chose. Des ruines nettes, propres, comme si les maisons avaient juste décidé de partir ailleurs. Le vide à Shima est aussi expressif que les objets.

Onsen à boire

Si vous êtes joueur, vous pouvez tenter un shot d’onsen buvable. Oui, ici l’eau thermale se boit. À Yuzuriha, un petit pavillon de bois propose une fontaine d’eau chaude potable, réputée bonne pour l’estomac. J’ai goûté. C’est… très particulier. Tiède, un peu métallique, vaguement salé. Disons que ce n’est pas pour le plaisir. Mais ensuite, j’ai enchaîné avec un yakimanju — brioche grillée fourrée à la pâte de haricot, nappée de sauce miso sucrée. Et là, j’ai compris : il fallait l’eau pour mériter la récompense.

Shima sous infusion légère

Shima Onsen n’est pas un lieu à visiter, c’est un lieu à infuser. Il ne se passe rien, et c’est précisément pour ça qu’il se passe quelque chose. Le soir, on se promène dans les rues vides, baignées d’une lumière orange tremblante. Un pont suspendu relie deux bâtiments, comme un passage vers un monde parallèle. Les bains fument doucement dans l’air frais. Personne ne parle fort. Même les chats se font discrets.

Après quelques jours, on se surprend à ne plus vouloir vérifier l’heure. On perd un peu ses repères, mais on gagne autre chose : un calme rare, une légèreté neuve. Shima ne guérit peut-être pas vraiment quarante mille maladies. Mais elle soigne le bruit du monde. Et c’est déjà pas mal.

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Qui est Jordy Meow ?

Jordy Meow

Je suis Jordy Meow. Photographe le jour, développeur la nuit. Parfois le contraire.

Je vis au Japon et j’explore les lieux insolites, abandonnés, mais aussi les beaux paysages et petits villages.

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