À Ogi, les rizières ont décidé de viser haut : 820 mètres exactement. En plein cœur de Kyushu, seize terrasses se serrent les unes contre les autres comme des gradins de stade en pleine montagne. Au premier rang, trois grands cèdres veillent depuis des siècles, sentinelles géantes d’un théâtre de montagne. Rien ne bouge ou presque. Puis le brouillard se lève, se met à onduler.
Rideau d’eau. Acte I.
Il suffit qu’un rayon de soleil s’invite pour que le décor bascule du réaliste au magique : les parcelles inondées deviennent des miroirs XXL. Le ciel est en bas. Le monde à l’envers. Les nuages jouent à se noyer. Même la lune s’assoit parfois dans l’eau pour regarder la nuit.
16 terrasses, une source divine et un Jizo armé d’une cuillère
Derrière la beauté, une prouesse : ces rizières existent parce qu’un jour du XVIIIème siècle, des paysans se sont dit qu’ils allaient cultiver… une pente. Et ils l’ont fait. Terrasses taillées à la main, eau canalisée depuis une source de montagne à 1,3 km de là – fraîche, généreuse, presque sacrée – qui fait naître un riz légèrement sucré, comme réduit au soleil.
Au sommet, sous l’ombre des trois cèdres, vit le gardien du lieu : un petit Jizo qui lève une cuillère à riz comme d’autres brandissent une épée. Patron protecteur du bon grain. Dieu tutélaire du quotidien. Ici, on ne plaide pas sa cause avec un sabre légendaire, mais avec un ustensile de cuisine à l’efficacité prouvée.
Miroirs liquides et illusions d’optique
Ici, l’eau ne se contente pas d’arroser le riz : elle joue la doublure du ciel.
Au printemps, les terrasses se remplissent doucement, jusqu’à effacer la terre sous une peau translucide. Tout devient reflet. Les cèdres immobiles, les montagnes de l’Aso au loin, les nuages qui se prennent pour des carpes géantes : tous plongent dans le décor sans se mouiller.
La nuit, les étoiles abandonnent leur plafond noir pour flotter dans les parcelles. On ne sait plus où regarder : au-dessus ? en dessous ? Dans la pente ou dans un ciel renversé ?
Quelques matins rares, la vallée entière disparaît sous une mer de nuages – ne laissant qu’un archipel de rizières suspendues entre deux infinis. Une illusion parfaite. Une carte du monde inventée par l’eau.
Champions du patrimoine et conte pastoral
Ogi coche toutes les cases :
100 plus beaux tanada (terrasse) du Japon,
100 meilleurs riz du pays,
… et un tout nouveau label qui protège les terroirs extraordinaires.
Mais plutôt qu’une médaille, c’est un lien invisible qui compte ici : celui entre les habitants et leur montagne. Les rizières ne sont pas qu’un décor pittoresque : elles palpitent, respirent, se réinventent chaque année. On les soigne comme on prend soin d’un secret précieux.
Quand le riz devient légende
Les anciens disent que la source qui nourrit Ogi fut autrefois le bain de naissance d’un dieu. Que les esprits reviennent parfois, glissant sur la surface de l’eau sans laisser de trace.
À regarder les reflets la nuit, c’est presque plausible : on sent qu’il manque un personnage dans l’histoire. Une silhouette. Une présence. Peut-être le Jizo qui se déplace quand personne ne regarde, sa cuillère pointée vers l’eau comme pour avertir les dieux que le riz pousse bien.
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